Les questions orales sans débat : une opportunité de lobbying à saisir
  1. Blog >
  2. Article
  3. Les questions orales sans débat : une opportunité de lobbying à saisir
30 mai 2024

Les questions orales sans débat : une opportunité de lobbying à saisir

Les questions orales sans débat (QOSD) sont un outil de contrôle parlementaire souvent méconnu des lobbyistes. De fait, elles pèsent quantitativement peu à côté des questions écrites. Pourtant, elles peuvent représenter une étape intéressante sur le long chemin de l’influence, en particulier pour les sujets territoriaux. On vous explique.

Le fonctionnement des QOSD

Les questions orales sans débat (QOSD) sont un des moyens de contrôle du Gouvernement par le Parlement. Contrairement à ce que leur nom laisse entendre, les députés disposent d’un droit de réplique au ministre, ce qui en fait un quasi-débat. Ce droit de réplique est unique dans le cadre des questions parlementaires et constitue un moment privilégié d’échange, rare entre certains députés et les ministres.

Elles permettent aux parlementaires d’interroger un ministre sur le sujet de leur choix : sujet technique, sujet réglementaire et, souvent, sujet local.… Les questions orales sont posées à l’occasion de séances consacrées, le plus souvent le mardi à l’Assemblée nationale et le jeudi matin au Sénat, pendant les semaines de contrôle, soit une semaine sur quatre.

Concrètement, les parlementaires doivent déposer leurs questions au plus tard une dizaine de jours avant la séance. Cela permet au ministre concerné de préparer sa réponse et de limiter les sorties de route. En termes de spectacle, rien à voir non plus avec les questions d’actualité au Gouvernement : elles ne font pas l’objet de retransmission sur les chaînes parlementaires et l’hémicycle est souvent déserté lors de ces séances. Bref, c'est chiant.

La parole du ministre est néanmoins captée en vidéo, ce qui tend à davantage l’engager que ses écrits. L’échange dure en moyenne cinq minutes et permet d’obtenir rapidement des réponses circonstanciées du Gouvernement. Les réponses aux QOSD sont d’ailleurs en moyenne deux fois plus longues que celles aux questions écrites (6000 caractères contre 3000 selon nos calculs). Voilà de quoi susciter l'intérêt de certains lobbyistes.

Les QOSD : un outil de contrôle plus qualitatif que quantitatif

Les QOSD sont en concurrence avec deux autres types de questions :

  • Les questions d’actualité au Gouvernement, particulièrement médiatisées et « politiques ». Les groupes parlementaires, très volontaires sur le sujet, laissent peu de place aux suggestions des lobbyistes, qui ne sont le plus souvent que spectateurs de ces séances mouvementées.

  • Les questions écrites, très utilisées car peu exigeantes pour les parlementaires, mais avec des réponses incertaines (plus d’un quart des questions écrites restent sans réponse) ou dans des délais importants (cinq à six mois en moyenne). C’est aussi le vecteur de contrôle parlementaire dans lequel on retrouve le plus les lobbyistes.

Les QOSD obtiennent toutes des réponses dès lors qu’elles sont inscrites à l’ordre du jour, mais les règlements des deux chambres limitent leur nombre :

  • À l’Assemblée Nationale : 34 questions maximum sont posées lors des 12 séances de QOSD annuelles (soit 408 par an, c’est-à-dire moins d’une par parlementaire).

  • Au Sénat : 45 questions maximum par séance (alors qu’il y a moins de sénateurs que de députés, vous voyez où je veux en venir).

Par ailleurs, au moins la moitié des questions est réservée aux groupes de l’opposition et au minimum une question par groupe parlementaire est inscrite à l’ordre du jour de chaque séance, dès lors qu’ils en font la demande.

Repérer les spécialistes de la QOSD

Certains parlementaires apprécient l’exercice du contrôle. D’autres préfèrent passer ces semaines particulières en circonscription. Plus d’un tiers des parlementaires n’a ainsi pas eu recours à la question orale sans débat depuis 2022, raison pour laquelle il est nécessaire de repérer les plus susceptibles de se faire le relai de vos questions.

Si la question porte sur un sujet local, il sera évidemment plus judicieux de se rapprocher des parlementaires du département. Ainsi, les ostréiculteurs du Pays de Retz se sont rapprochés du député local, Yannick Haury (Renaissance), pour approcher le Gouvernement (à travers une question orale) début mai 2024.

Pour le reste, il sera plus important de retenir que pour poser une question orale au Gouvernement, il vaut mieux tenter sa chance auprès de certains sénateurs bien identifiés. En effet, les 20 parlementaires qui ont posé le plus de questions orales depuis deux ans sont au Sénat, démontrant encore une fois l’importance pour les lobbyistes de bien comprendre leurs options à la Chambre Haute.

Cerise sur le gâteau sénatorial, une question orale à laquelle il vient d'être répondu peut être transformée, à la demande de trente sénateurs et sur décision du Sénat, en débat d'initiative sénatoriale, donnant une force nouvelle à votre stratégie d’influence.

Et si vous hésitez sur la stratégie à adopter sur les questions au Gouvernement, rappelez-vous que rien n’empêche un parlementaire de poser une question écrite et une question orale sur le même sujet.

Vous pouvez également être intéressé par

  • 10e législature européenne - la France déjà en retard
    Article
    23 mai 2024
    10e législature européenne : la France déjà en retard ?

    À quelques semaines des élections européennes, les DG de la Commission européenne préparent déjà les dossiers qui accueilleront les nouveaux commissaires, charge ensuite à ces derniers de les porter ou non. Mais comment identifier ces fameux dossiers ? Les consultations publiques lancées par la Commission depuis le début de l'année peuvent nous aider à les identifier.

  • Amendement irrecevable en application de l'article 98 du règlement de l'Assemblée Nationale... oui mais encore
    Article
    14 mai 2024
    Amendement irrecevable en application de l'article 98 du règlement de l'Assemblée Nationale... oui mais encore ?

    L'Assemblée Nationale, lorsqu'elle dépublie de son site internet des amendements jugés irrecevables, justifie cette action par une référence lapidaire mais imprécise à l'article 98 du règlement de l'Assemblée Nationale. Connaître la véritable origine d’une irrecevabilité est pourtant utile car elle peut permettre à son auteur d’améliorer la rédaction de l’amendement pour le déposer à nouveau à l’examen suivant. Dixit vous propose une astuce.

  • Commissions d’enquête parlementaires : fonctionnement et stratégies
    Article
    28 janvier 2024
    Commissions d’enquête parlementaires : fonctionnement et stratégies

    Les commissions d'enquête parlementaires sont en vogue. Des géants comme TikTok, Total Energies, Lactalis et Orpea, mais aussi des dysfonctionnements de l'exécutif, ont été soumis à l'examen minutieux de ces organes de contrôle temporaire. Décrypter leur fonctionnement et comprendre les stratégies des groupes parlementaires permet de naviguer habilement entre les risques et les opportunités qu'elles représentent.