Un projet de loi déjà record
Jeudi 25 mars au soir, la twittosphère institutionnelle s’émouvait du nombre d’amendements déposés sur le PJL Climat pour sa première lecture à l'Assemblée.
Et ce à juste titre. Avec ses 6 931 amendements supplémentaires déposés par 357 députés de tous bords, le PJL Climat se place dès la première lecture en deuxième position des projets de loi les plus amendés depuis le début de la XVème législature.
Le premier ? Le PJL Système de Retraite Universelle (resté à l'état de projet) et ses 61 000 amendements. Bref, sauf erreur de parcours, le PJL Climat sera la loi adoptée sur laquelle le plus grand nombre d'amendements aura été déposé.
Le pendant pratique de ce record est qu'avec seulement 45 heures et 50 minutes de débats, cela laisse moins de 30 secondes pour discuter et voter chaque amendement. Les nuits à venir vont être courtes au Palais Bourbon.
Ce record est un exploit collectif, puisque 568 députés (sur 573) ont a minima cosigné un amendement. Les Républicains pourront se targuer d'une contribution importante. Alors qu'ils ont fait figure de bon élève en commission spéciale avec un taux d'irrecevabilité plus faible que la moyenne, les députés du groupe LR ont déposé le contingent d'amendements le plus important pour la séance publique, avec plus de 2 000 unités.
Une des raisons pour lesquelles le nombre d’amendements est si important serait le fameux « poids des lobbies ». Nous entendrons par lobby toute organisation cherchant à faire valoir ses intérêts en apportant de l'information au législateur, de façon à ce que ce dernier puisse agir en connaissance de cause.
Les lobbies auraient donc manqué l’opportunité de faire porter leur voix au moment de la rédaction du projet de loi par l’exécutif, et se rattraperaient sur son examen par le législateur.
Le poids des lobbies
Autant le dire d'emblée : l'analyse quantitative de l'influence des entreprises, des fédérations ou des ONG sur un processus législatif est particulièrement complexe. Non seulement tous les amendements ne sont pas sourcés, mais lorsqu'ils le sont, cela peut prendre des formes très différentes dans l’exposé des motifs. L’information est donc difficile à capter par des algorithmes.
Nous nous sommes donc attelés à l'analyse suivante : chercher les amendements dont le contenu est strictement identique. Si un amendement identique a été déposé plusieurs fois, il est a priori fort probable qu'il ait été proposé par un acteur externe à l'Hémicyle. Et il y en a quelques-uns.
Au total, en écartant les amendements génériques du type "supprimer l'article", ce sont plus de 21% des amendements qui ont été déposés au moins deux fois.
Le nombre d'amendements provenant d'acteurs extérieurs à l'Hémicycle pourrait par ailleurs être supérieur à 21%.
Pourquoi supérieur ? Parce que si l'on peut considérer que les amendements identiques sont issus d'une proposition extérieure, cela peut également être le cas pour des amendements « uniques ». A titre d'exemple, l’amendement n° 1400, déposé une seule fois, découle d'une proposition de l’Alliance 4F (Fret Ferroviaire Français du Futur).
Plusieurs conclusions complémentaires méritent d'être soulignées :
tous les groupes parlementaires semblent sensibles à des propositions d'acteurs extérieurs à l'Assemblée ;
des députés d’un même groupe parlementaire peuvent déposer des amendements identiques sans le savoir (alors qu’ils pourraient les cosigner) ;
dans la majorité des cas, les amendements ne sont pas sourcés. Il suffit en revanche d'en trouver un identique qui ait été sourcé pour faire le lien.
Une autre façon d'analyser le sourcing des amendements est tout simplement d'y chercher, dans leur exposé des motifs, le nom des fédérations, ONG ou entreprises susceptibles d'avoir mené des stratégies d'influence sur ce texte. Ils ressortiront pour les amendements sourcés.
Au-delà de la recherche d'organisations influentes, cette dataviz peut également vous aider à identifier les députés qui ont déposé le plus d’amendements sur les articles et les mots-clés qui vous intéressent.
Bonne recherche !