LES DESERTS MEDICAUX : GRAND DENOMINATEUR COMMUN POLITIQUE
La santé était la première préoccupation des Français en 2021 selon l'enquête de référence "Cadre de vie et sécurité" de l'INSEE. Certes, le COVID est passé par là, mais cette préoccupation s'explique par la difficulté de l'accès aux soins.
30 % !
C'est la part de la population résidant dans un désert médical si on croise les chiffres des ARS et de l'INSEE.
Alors que le Conseil National de l'Ordre des Médecins fait état d'une "diagonale du vide" dans son dernier Atlas de la démographie médicale, la lutte contre les déserts médicaux a logiquement fait partie des revendications des gilets jaunes. Elle est néanmoins largement restée lettre morte du côté de l'exécutif, comme l'a d'ailleurs pointé la presse (voir France Bleu par exemple).
Les déserts médicaux (« zone prioritaire d’intervention ») sont les territoires dont l'offre de soins est insuffisante ou dont l'accès aux soins est difficile. Certaines zones, en jaune sur la carte, sont identifiées comme zones d'action complémentaire par les Agences Régionales de Santé. S'il apparaît clairement que la majeure partie du territoire connait une crise d'offre d'accès aux soins, la diagonale du vide identifiée par le CNOM apparait en revanche un peu moins évidente à l'oeil nu.
Des parlementaires prêts à passer à l'action
Par essence plus proches de leurs électeurs que l'exécutif, les parlementaires ont entendu les revendications sur l'accès aux soins. Le croisement des zones prioritaires d'intervention avec la carte électorale révèle que deux tiers des députés ont au moins une commune classée désert médical sur leur circonscription. Tous les groupes parlementaires sont concernés.
C'est donc logiquement qu'ils s'en font l'écho sur les réseaux sociaux. Depuis le 1er juillet 2022, 74 parlementaires ont publié des tweets sur le sujet des déserts médicaux. Et 34 autres se sont positionnés en retweetant sur le sujet. C'est davantage que pour le cancer, qui est pourtant une cause nationale depuis 2003.
74 parlementaires, de tous bords politiques, ont publié des tweets contenant "désert médical" ou "déserts médicaux", "désertification médicale", "téléconsultation" ou "télémédecine" depuis le 1er juillet.
Un phénomène d'une telle ampleur sur les réseaux sociaux s'accompagne souvent d'initiatives législatives. On observe ainsi une hausse du nombre de propositions de lois (donc déposés par des parlementaires) depuis quelques années.
Le nombre de PPL relatives à la lutte contre les déserts médicaux a augmenté tout au long du quinquennat précédent.
Si aucune de ces initiatives n’a été adoptée, ces dépôts, associés à la hausse du nombre de questions écrites sur le sujet par ailleurs, révèlent que les parlementaires sont prêts à légiférer pour lutter contre les déserts médicaux. Jusqu'en juin 2022, l'agenda politique était fixé par le Gouvernement et sa majorité absolue à l'Assemblée. Il était impossible de faire évoluer la législation sans la majorité.
Mais ça, c'était avant. Les élections législatives de juin dernier ont ouvert une fenêtre politique, que le groupe socialiste s'est empressé d'emprunter.
LE PS EN RASSEMBLEUR DES OPPOSITIONS
Le groupe PS, emmené pour l’occasion par Guillaume Garot et Boris Vallaud, a lancé le 12 juillet dernier un groupe de travail transpartisan à l’Assemblée Nationale pour "trouver des solutions face à la désertification médicale". Le 12 juillet, c’était à peine deux semaines après le démarrage de la 16e législature, suggérant que la stratégie était déjà dans les tuyaux. Cet intergroupe comptait à cette date 17 députés, dont Aurélien Pradié (LR) ou Béatrice Bellamy (HOR), ce qui était déjà un succès en soi.
« Un grouoe de travail transpartisan pour trouver des solutions rapides, efficaces, et partagées à la désertification médicale : 17 députés déjà en sont membres, de gauche comme de droite ! »
— Guillaume GAROT (@guillaumegarot) July 12, 2022
Présentation à la presse ce matin de notre initiative parlementaire. pic.twitter.com/yYuSRqCUXY
Le plus difficile est néanmoins de faire vivre ce type de dynamique, en particulier en plein été. Mais l'observation des tweets parlementaires révèle que déjà plusieurs réunions se sont tenues. L’intergroupe a même enregistré de nouvelles arrivées de parlementaires, qui compte désormais des députés de 9 groupes parlementaires différents selon l’écologiste Marie Pochon.
Cet intergroupe est donc pour l’instant un succès politique pour le PS, qui a su avancer rapidement sur le bon sujet et avec la bonne méthode.
Il est encore tôt pour se livrer à des conjectures sur les résultats de ce coup politique. Il est en revanche temps de se réjouir du retour des grandes manœuvres politiques au Parlement qui sont, il faut bien le dire, infiniment plus intéressantes que les invectives caricaturales dans et en dehors de l'Hémicycle.