Lorsqu’un amendement est jugé irrecevable par l’Assemblée Nationale, il est dépublié et à son contenu est substitué une justification. On rencontre précisément cinq justifications différentes :
« Cet amendement a été déclaré irrecevable après publication en application de l'article 98 du règlement de l'Assemblée nationale. »
« Cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution. »
« Cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. »
« Cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de la loi organique relative aux lois de finances. »
« Amendement irrecevable » (sans précision supplémentaire).
Pourtant, il existe plus d’une vingtaine d’irrecevabilités différentes (pour tenter de mieux appréhender la question de la recevabilité des amendements, je vous renvoie à la lecture de ce document).
En réalité, une seule de ces catégories pose problème : la première, qui fait référence à l’article 98 du règlement de l’Assemblée Nationale.
Pourquoi les autres n’en posent pas réellement ?
Le générique « Amendement irrecevable » n’est que très rarement employé (moins de 0,3% des cas).
Deux de ces descriptions concernent uniquement les textes budgétaires (PLF, PLFSS et les éventuels PLF et PLFSS rectificatifs).
La description invoquant l’article 40 de la Constitution est en réalité relativement explicite : dans plus de 90 % des cas il s’agit d’un amendement qui crée ou augmente une charge publique. Pour le reste, il s’agit d’amendements mal gagés.
L’irrecevabilité en application de l’article 98 du Règlement de l’Assemblée Nationale pose problème car elle recouvre à la fois de nombreux amendements (environ 14 000, près de la moitié des irrecevables depuis le début de la législature) et des irrecevabilités très différentes.
Le graphique suivant décompose les quatorze natures d’irrecevabilité recouvertes par la référence à l'article 98 du règlement de l'AN.
On retrouve ainsi sous cette mention des cavaliers législatifs, des irrecevabilités « doublon », des irrecevabilités liés à la règle de l’entonnoir, des irrecevabilités liés à l’impossibilité de sous-amender des sous-amendements, des injonctions, des dispositions qui relèvent du réglementaire… bref, c’est la foire à l'empoigne des irrecevabilités.
Les plus constitutionnalistes d'entre nous identifieront parfois d'eux-mêmes l'irrecevabilité d'un simple coup d'oeil. La science de l'irrecevabilité étant pour le moins molle, même les spécialistes en droit constitutionnel seraient tout de même preneurs du type d'irrecevabilité soulevé par l'Assemblée Nationale.
Le problème est que cette information plus précise ne se trouve pas directement sur la page web de l’amendement.
Est-il possible d’obtenir cette information ?
Si nous écrivons un article de blog sur la véritable irrecevabilité des amendements, c’est bien que l’information se trouve quelque part. Cette information est en fait disponible dans certains fichiers associés aux amendements : les versions "open data" (xml et json) mais aussi la version word/libreoffice. Malheureusement pas dans la version pdf, pourtant souvent utilisée par les lobbyistes.
Exemple : L'amendement CE3182 déposé par le Gouvernement sur le PJL Agricole a été jugé irrecevable (cavalier législatif) mais sur la page de l'AN ne figure que la référence à l'article 98. En cliquant sur la version word, vous trouverez néanmoins la précision "Cavalier (45)".
En cas d’irrecevabilité "article 98", il est donc recommandé d'ouvrir la version word de l’amendement pour en connaître la véritable nature. Cette information vous aiguillera peut-être sur la marche à suivre pour la suite de l'examen du dossier législatif.